24h de rencontres – Madagascar
24h. 24 personnes. 24 rencontres.
Une heure de leur temps. Une photo avant. Une photo après.
Représentant une journée. 24h.
Une idée du 5 mai 2013, Antananarivo.
Je ne savais pas ce qui m’attendait. Ce jour, où j’ai voulu rencontrer ces 24 personnes en 6 mois.
C’est drôle, je ne sais plus vraiment pourquoi j’ai voulu faire ce projet. Peut-être puis-je le définir comme un besoin de connaître la population que j’intégrais petit à petit, depuis mon arrivée sur la Grande île en janvier.
Au fil des rencontres, dans la capitale et ailleurs, ce serait presque devenu un devoir.
Le devoir de rencontre. La paix et la joie qu’il procure, et les portes qu’il ouvre sans qu’on y touche.
Du militaire au mendiant, de l’homosexuel à l’étranger en passant par le vendeur de charbon ou le théologien,
« 24h de rencontres » se veut être le message d’un photographe qui passe, vagabond parfois indiscret, curieux opportuniste qui se cherche à travers les autres, et se laisse oublier le long du fleuve de ces vies fortuites et turbulentes.
A ces personnes qui m’ont donné la chance de mieux me connaître.
Jʼarrivais du côté du quartier de Mascoty à Antananarivo, tout près de lʼarrêt de bus.
Bien décidé à rentrer à pied , je continuais ma route.
Muss-Ab est comorien.
15h25 (clic)
Il attendait un gars qui lui devait de lʼargent. Muss-Ab est arrivé il y a un mois, pour suivre des études en agronomie.
En discutant, j’apprends qu’il a 21 ans (comme moi) et découvre tout doucement Madagascar (comme moi).
Lʼhomme arriva et paya sa dette. 16h25 (clic)
Antananarive le 10/07/13
Elle prenait son petit déjʼ sur le trottoir, un café avec nuage de lait et beaucoup de sucre. Je remontais une pente dans laquelle je mʼétais fourré pendant 10 minutes, afin d’apprécier le Tana qui s’éveille.
Il fallait que je voie les couleurs pas encore grisées par la pollution de toutes ces 4L. 6h26, (clic)
Ambanidia, cʼest le quartier où je lʼai rencontrée.
Elle ne travaille pas, et ses deux enfants de 6 et 9 ans ont perdu leur père. Cʼest grâce à lʼargent de sa mère qui travaille dans une association, qu’elle peut manger et fumer chaque jour. On prenait le bus pour rejoindre le grand marché de Mahamasina qui a lieu tous les jeudis.
Même si elle ne le disait pas, je voyais bien qu’elle était contente dʼavoir rencontré un étranger qu’il lui offrait des cafés et des cigarettes. Cʼétait jour de fête.
Au bout dʼune heure, prise au jeu, elle posa pour la photo. 7h27 (clic)
Antananarive le 25/07/13
Je veux voir toutes les rencontres
Je les suivais depuis 2 minutes, avec lʼenvie obstinée de les prendre en photo. La discussion a commencé par la demande prévisible dʼun peu dʼargent pour nourrir son fils. Je donnais un peu dʼargent en échange dʼune capture, qui mettrait en avant le paradoxe entre la situation et la personne.
8h34, (clic)
Le regard courageux de cette femme, me donnait envie de mieux la connaître. Je baragouinais ce que je pouvais avec mes trois mots et demi de malgache. Assis à coté de Niary et Zozefa, j’oubliais mon projet.
Nous étions un trio de pauvres, chacun à notre façon.
Elle, pauvre dʼargent. Chaque nuit elle dormait sous les tunnels, surpassée par les événements dʼune famille disloquée.
Son fils, pauvre dʼéducation. Jeune et privé de son enfance, refoulé par les écoles qui tournent le regard aux poches vides.
Et moi… pauvre d’empathie. Assommé par une situation si triste que j’oublierai, aveuglé par le confort du lendemain. La rencontre se terminait par un sourire.
Un clin dʼœil dʼespoir accompagné du sentiment dʼavoir été comprise, au moins pendant une heure. Je lui renvoyais son sourire, triste et pensant encore à ce moment de partage. 9h30 (clic)
Antananarive, le 12/06/13
Je cherchais un costard. De quoi être présentable pour le mariage dʼun ami. Et là, jʼai rencontré ce gars.
Il était immobile et… en costard ! Je lui ai demandé le prix, il ne mʼa pas répondu. Son nom ?
Aucune réponse.
Bien coiffé, bien habillé, mais pas très bavard ce mec.
Je lui ai expliqué mon projet, qui le rendait bien indifférent.
15h53, (clic)
Un vendeur passait.
– «Manaohaona Ramsey» (bonjour monsieur)
– «Inona atao?» (puis-je vous aider?)
– «Hoatrinona ity?» (Combien coûte ce costard?)
– « 40 000 Ariary» (15 euros)
Au bout dʼune heure, je regardais de nouveau le monsieur, toujours immobile. Il me regardait avec l’air de ne rien comprendre.
Jʼavoue avoir été vexé par son comportement, mais j’avais un costard pour mon mariage.
16h50 (clic)
Antananarive,le 11/06/13