Prêt à porter
Quand j’avais 8 ans, j’ai fait un rêve :
« Le gouvernement mettait en place une campagne de perquisition, et débarquait dans les foyers français
en saisissant des personnes. Celles-ci devaient partir.
Elles allaient être transformées en mannequins pour de grandes enseignes de prêt-à-porter.
Et ce jour-là, j’ai vu ces hommes pousser la porte de notre maison.
Mes parents étaient désignés et acceptaient l’horrible chose. Je pleurais. Ma vie s’écroulait.
Pour la dernière fois, ma sœur et moi embrassions nos parents.
Nous allions les revoir inanimés et froids, dans les rayons de la grande distribution. »
Bien des années plus tard, je m’approchais petit à petit des vitrines en déambulant les rues
marchandes du monde. D’années en années et sans comprendre mon attirance, je côtoyais
les mannequins de plus en plus près, à petits pas timides, comme ceux que je fais pour
photographier une personne.
Ils avaient quelque chose d’humain, mais restaient silencieux. Comme s’ils m’appelaient
en criant de l’intérieur, comme s’ils souffraient de ne plus pouvoir s’exprimer,
comme s’ils pleuraient d’un corps inanimé, privés de leur âme et de leur liberté…